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Blog de réflexions personnelles&politiques.
18 octobre 2015

Prendre soin de soi ?

Je ne veux plus prendre soin de moi, là, maintenant, et je vais expliquer mon ressenti très personnel à ce sujet. Ce texte étant un texte qui va de pair avec une humeur maussade au moment où je l'écrit, ceci peut expliquer le fond morne du ton, et mon avis sur la question peut se réajuster demain matin, mes émotions étant très fluctuants en ce moment, étant engluée dans une sorte de fébrilité émotionnelle. Cela ne m'empêche pas d'écrire ce billet et de préciser qu'il représente un ressenti assez présent dans la durée, donc qui est assez indépendant de mon état d'esprit actuel. Et de préciser qu'il n'est pas adressé personnellement a quiconque, je m'en excuse d'avance si cela est pris personnellement. Je tiens trop a mes relations affectives, familiales, amicales et extra-amicales, pour risquer de heurter une personne que j'estime. Ceci étant dit, je continue.


J'ai de plus en plus de mal avec les conseils a prendre soin de soi, bienveillants dans l'intention dans la plupart des cas, car dit par une personne pour qui on compte, mais qui deviennent des injonctions lorsqu'ils sont répétés a l'envi par l'entourage familial et amical, et aussi admis par les normes sociales. Ces injonctions a se replier sur soi-même en cas de soucis personnels, de se recentrer sur ses besoins, s'écouter, le tout, dans une démarche solitaire. Est-ce dont j'ai vraiment besoin là maintenant à titre personnel ? Oui et non. Je pense beaucoup aux besoins des autres, et pas assez a mes propres besoins, c'est indéniable. Mais après réflexion, je pense que ce dont j'ai besoin ce n'est pas tant d'un simple recentrage sur moi-même, qu'une réciprocité dans ce processus, donc au final, qu'on m'y aide, ou qu'on prenne aussi soin de moi. Et cela n'a pas été évident a admettre car exposer une dépendance - même temporaire - vis à vis d'autrui, donc admettre ne pas arriver a s'en sortir seul-e, peut être perçu, par soi-même comme honteux car c'est admettre un état de faiblesse. Et mal interprété par les autres, qui verront là un besoin purement égoïste d'attention, et une négation des besoins des autres, au profit de ses propre besoins. Je pense que c'est la raison pour laquelle beaucoup de personnes n'osent pas demander de l'aide, a cause de cette peur d'être perçues comme faibles et égoïstes .


Il est évident qu'on peut pas savoir ce dont une personne fragile émotionnellement et/ou matériellement a besoin comme par magie, certes, mais dans ce cas, pourquoi ne pas demander a la personne ce dont elle a besoin, ou se tenir - s'il vous en avez les ressources propres bien évidemment, a sa disposition, qu'elle aie une béquille sur qui s'appuyer lorsqu'elle en ressentira le besoin ? Dans ma tête, lire ce conseil après avoir explicité que je suis dans une situation matérielle délicate ou que je suis dans une fragilité émotionnelle, sonne sur ce ton : "ah, tu vas mal, j'en suis désolée et triste pour toi. Mais occupes toi de toi, ça ira mieux, tu verras". Ah d'accord. Ce conseil peut tout a fait se tenir, sauf si on oublie qu'il est hélas, courant de s'engouffrer dans un processus d'auto-dénigrement, d'auto-détestation lorsqu'on est fragile émotionnellement et/ou matériellement, et que du coup, se replier sur soi, ça peut être s'attacher durablement sur ses propres chaînes, et ne pas se libérer de ces chaînes, bien loin de l'intention de départ.
Pour ma part, j'ai récemment fait des choses pour moi et qui m'ont aidée concrètement a reprendre confiance en moi sur le moment : j'ai par ex, il y a quelques jours, refait mes placards avec des vêtements qui correspondent bien mieux a ma personnalité et a mes goûts, et jeté la quasi totalité de mes anciens vêtements que j'avais depuis des années et que je mettais chaque jour machinalement, avec parfois une sensation d'imposture tellement l'image de moi devant le miroir me dépitait. J'ai donc acheté de nouveaux habits a une friperie Emmaüs, donc a un prix dérisoire certes, mais j'y ai quand même dépensé une cinquantaine d'euros, car j'ai acheté une dizaine de pièces au final. Et si je n'avais pas eu cet argent de côté, concrètement, comment aurais-je fait ? J'aurais été enthousiaste a l'idée de me faire plaisir, et de surcroît suivre des conseils qui m'ont été donnés par des personnes que j'aime, jusqu'à m'apercevoir que je n'en ai pas les moyens financiers et/ou matériels. Mais au delà de ça, bien que j'ai fait des choses pour moi et qui m'ont fait du bien au moral sur le moment, mon état d'esprit de fond n'a pas évolué, car un changement durable de ma personnalité qui est basée sur une faible estime de moi, et mon incapacité a exprimer mes besoins, construits depuis l'enfance ne vont pas se défaire avec du seul recentrage sur moi, pas de ce que je peux en constater.


D'un point de vue plus politique - bien que nos vies privées soient pour certain-e-s d'entre nous politiques - les oppressions systémiques qu'on subit et qui affecte plus ou moins violemment nos existences non plus ne vont pas disparaître avec des injonctions a se replier chacun-e pour soi, c'est évident. C'est pas pour autant que je ne pense pas qu'on ait pour beaucoup d'entre nous, besoin a intervalles plus ou moins réguliers, de moments de solitude, je parle bien de ce conseil donné comme solution resorbative de problèmes bien plus complexes, qui se jouent entre nos vécus personnels et notre place dans la société. On oublie aussi un peu vite que prendre soin de soi demande de surcroît des moyens financiers (se faire plaisir dans une société marchande où bien des loisirs ont un coût, ça a un coût justement), mais aussi émotionnels (réussir a mettre ses soucis de côté et être disposé-e a prendre soin de soi), matériels (qui va garder les enfants, s'il y en a, pour que dégager du temps pour soi ? Si on vit dans une petite ville sans moyens de transport, comment faire ? Si le travail professionnel prend beaucoup de temps, comment s'en dégager ? Etc), sans oublier les personnes neuroatypiques, ou en situation de handicap, et toute oppression vécu qui affecte plus ou moins matériellement l'existence de la personne, l'image qu'elle a d'elle-même car conditionnée par celle que la société lui renvoie d'elle-même, et les interactions sociales qui en découlent. Aller se promener, prendre un bain de soleil, regarder un bon film a la TV ou sur l'ordinateur, en théorie tout cela ne coûte quasiment rien et ne demande pas une énergie monstre, mais pourquoi partir du principe qu'on a tou-te-s les ressources émotionnels pour entamer ces initiatives et en prime, en retirer des bénéfices personnels ?


Ce que je constate aussi, c'est que demander de l'aide, affirmer avoir des besoins affectifs - temporaires ou permanents - importants ou avoir une dépendance émotionnelle a autrui peut être vécu comme gênant, voire honteux dans notre société. Il est sans dire qu'il peut être destructeur pour sa personne d'avoir une hyper-dépendance à autrui et/ou une tendance sacrificielle dans le don de soi vis à vis d'autrui, et amener ainsi a une fragilité psychologique et/ou matérielle, je ne le nie pas une seule seconde, et je ne veux pas invalider des vécus traumatiques a ce sujet ; ni celui des personnes se situant dans le spectre de l'asocialité et qui ont un réel besoin de recentrage - continuel ou non - sur elles-mêmes pour être épanouies et ne supportent pas les injonctions constantes a s'ouvrir aux autres. Mais si on contextualise par rapport a la société où on vit, le fait est que concrètement, on vit dans une société individualiste, qui nous pousse très tôt a une performativite dans l'indépendance, valorise la capacité a rebondir personnellement en toute circonstances, et a toujours donner le meilleur de soi-même, aussi. Toute personne qui sort de ce schéma sera perçu comme faible et fragile, mais aussi égoïste - ces traits de personnalité ainsi attribués négativement étant perçus comme des défauts qu'il faut corriger. Et je pense que c'est cette sociabilisation dans cette société qui explique nos attitudes récurrentes face a une personne dans le besoin, qui ressortent lorsqu'on conseille aux personnes en situation de fragilité de se recentrer sur eux-mêmes en première intention, souvent, et même sous couvert de bonnes intentions. Qui explique pourquoi il est parfois honteux de demander de l'aide et qu'une personne fragile va elle-même se persuader dans un premier temps, qu'elle peut y arriver seule. Qui explique pourquoi on peut juger négativement les personnes qui demandent de l'aide, en pensant qu'elles seraient en fait égoïstes, et ne regarderaient pas assez ce qu'il y a de pire ou de similaire ailleurs, pour en prendre exemple et avancer - car d'autres l'ont fait avant elles ou d'autres sont dans une situation pire sans demander de l'aide. Je pense que même en étant militant-e-s et en processus de déconstruction de ce que la société nous a inculqués, on est pas a l'abri de ce genre de mécanismes, parfois dans le sens inverse. Dans certains cas, il peut par ex s'en suivre une déshumanisation de la personne qui a besoin d'aide, qu'on ôte de son libre-arbitre, qu'on infantilise, et au final, lui imposer notre aide. L'équilibre est, je pense, plus difficile a trouver qu'il n'y parait.


Je ne souhaite pas donner de leçons a quiconque par ce billet, et je ne peux qu'imaginer la complexité et la multiplicité des vécus sur la question des relations a autrui, mais tout ce que je veux en couchant a l'écrit, mon ressenti sur cette question, c'est qu'on réfléchisse ensemble, ou du moins lire des retours d'autres personnes, sur cette question du prendre soin de soi, et qu'on ne colle plus aux autres des besoins sans les avoir écoutés avant. Si je dis demain que j'ai besoin de solitude, je ne souhaite pas que ce besoin clairement exprimé soit invalidé sur le moment parce-que j'explique ici la veille, que ce n'est pas ce dont j'ai uniquement besoin pour sortir de ma fragilité émotionnelle et matérielle. Je serai plutôt pour le fait de demander ce dont la personne fragile a besoin, et/ou qu'on écoute ce qu'elle a à dire, et qu'on exprime, parallèlement, sa disponibilité, si cela est possible, sans s'imposer non plus dans ce processus. C'est compliqué, mais selon moi, y penser a tout ça, c'est déjà aider autrui, non ?

 

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